J’ai décidé de vous offrir quelques passages du livre autobiographique que j’ai écrit pendant le confinement. Commençons par les premières pages de ce témoignage.
Nous sommes 10 % de Français à avoir eu l’idée de commencer un carnet de bord pendant la période de confinement engendrée par la pandémie de Covid-19. Certains pour passer le temps, d’autres, comme moi, pour témoigner, exorciser et graver ce chapitre de notre vie qui s’annonce invraisemblable, anxiogène et tellement exceptionnel qu’il figurera dans les nouveaux livres d’histoire.
Combien serons-nous à aller jusqu’au bout ? Moi-même, irai-je au bout de mon projet ?
Une chose est sûre, c’est que je vous propose un journal un peu différent des autres, puisque je vais vous raconter mon confinement de mon point de vue de névrosée. Je vais vous plonger dans notre quotidien de confinés, tout en vous servant des informations nationales et internationales, mais j’ai envie, en même temps, de vous faire découvrir la vie d’une personne atteinte de troubles obsessionnels et affectifs.
Peut-être aurez-vous un œil différent sur les névrosés après la lecture de ce journal ; peut-être découvrirez-vous ce mal-être et ces angoisses qui nous rongent constamment ; peut-être réaliserez-vous que vous êtes, vous-même, un peu névrosé ou que certains de vos proches le sont. On l’est tous plus ou moins, mais certains le sont plus que moins, et ce n’est vraiment pas un cadeau enviable, comme vous allez le voir au fil des pages !
Aujourd’hui, premier jour de confinement pour empêcher — ou plutôt, réduire — la propagation du coronavirus, et fermeture des frontières de l’Union européenne pour trente jours reconductibles.
Hier, lundi 16 mars 2020, le président Emmanuel Macron nous informe qu’à partir du lendemain, mardi 17 mars, jour de la Saint-Patrick, habituellement un jour de fête, nous serons en confinement à partir de midi. Branlebas de combat… On nous laisse si peu de temps. Comment vais-je faire ?
Bon, je vous préviens. Vous allez peut-être dire que ce n’est pas bien, mais nous avons écouté le discours entre amis et nous avons donc passé notre dernière soirée tous ensemble. Remarquez qu’on n’était pas encore confinés, hein, donc a priori, rien ne nous l’interdisait ! Alors, j’ai sorti un beau gigot d’agneau du congélateur, et on s’est fait une petite bouffe. Je n’aurais pas pu écouter ces mauvaises nouvelles toute seule, d’autant plus que j’avais déjà pleuré une bonne partie de la journée, car je m’attendais à ce cauchemar, comme tout le monde…
De toute façon, on s’était vus tout le week-end, avec mes amis, donc si l’un d’entre nous était contaminé, on pouvait tous l’être. D’ailleurs, revenons à ce week-end. Ce dernier week-end de liberté. Samedi soir, on a fait notre dernière sortie en bar dansant. C’était très particulier parce qu’ils devaient fermer plus tôt que d’habitude. Tous les bars, restaurants, discothèques et autres établissements publics du même acabit devaient fermer à minuit, et ce pour une durée indéterminée. Bon, ils ont fermé un peu plus tard…
Mes amis Quentin et Hugo dormaient chez moi, comme souvent, car nous passons beaucoup de temps ensemble. Ils sont repartis le lendemain après-midi pour aller voter dans leur commune, car dimanche, le 15 mars, c’était le jour des élections municipales.
Je suis allée voter, bien sûr, car j’essaie d’être une bonne citoyenne, et franchement, l’ambiance était très particulière. Déjà, le long de la route, quand on croisait des gens, chacun se regardait bizarrement, un peu de travers. J’avais l’impression que chacun se demandait si celui qu’il croisait n’était pas contaminé par le coronavirus. Ça m’a fait penser à la guerre, que je n’ai pas vécue, heureusement, mais j’imagine bien que chacun devait se demander si ses voisins n’étaient pas des indics. Chacun devait s’imaginer un tas de choses et psychoter dans son coin. Vous voyez ce que je veux dire…
Entre les rues quasi désertes, l’atmosphère anxiogène et la peur de tomber malade, la vie est totalement chamboulée et devient quelque peu psychotique.
J’ai éprouvé une sensation très étrange, et ce n’était que le début d’une ère nouvelle, d’un épisode de notre vie qui fera bientôt son apparition dans les livres d’histoire et que nos enfants et petits-enfants étudieront.
Je suis arrivée à la salle des fêtes, et un élu m’a accueillie, de loin, bien sûr, car on devait respecter un protocole spécifique avec des règles de distanciation. L’atmosphère était singulière et tendue, une fois encore. Un parcours avait été tracé pour aller jusqu’aux box tournés côté mur de façon à ne pas toucher le rideau, tout en se cachant des autres électeurs. On ne devait rien toucher pour éviter de contaminer les suivants, au cas où l’on soit infecté. On avait même dû apporter notre propre stylo pour ne pas toucher le même que les autres.
Pour la petite histoire, la maman d’un des meilleurs amis de mon fils Yann était là pour nous faire signer et elle m’a demandé si mon fiston allait venir voter, mais Yann était en compagnie du sien à Lyon pour faire la fête tout le week-end. Cela dit, le sien était revenu exprès pour voter et retourné là-bas ensuite. Le mien ne l’a pas fait, et j’ai eu l’impression d’avoir mal éduqué mon fils, mais bref…
En tout cas, cette petite escapade, ce dimanche, a marqué le début d’une longue histoire étrange et absolument inédite pour beaucoup de Français.
Revenons au lundi, dernier jour de liberté. J’ai dû aller chercher mes œufs chez une copine qui peut avoir de bons œufs de poules élevées en plein air. Je rentre chez moi, et mon fils Loïc, qui habite la ville voisine et qui n’a pas encore le permis, me demande de l’emmener faire des courses, car porter les croquettes et la litière du chat à pied, c’est compliqué !
Je passe le chercher. On va à Auchan et là, la file d’attente était tellement longue qu’on a préféré aller voir à Leader Price si on trouvait ce dont il avait besoin pour commencer le confinement, le lendemain. Même si on ignorait — et qu’on ignore encore — ce qui nous attendait, mieux valait prendre des précautions et avoir de quoi manger chez soi. On n’a pas fait de stock non plus. On a juste fait nos courses comme d’habitude.
Comme il est désormais interdit d’être à plus de 100 personnes dans un même lieu, les gens devaient attendre dehors, et un membre de la sécurité les laissait entrer au compte-goutte. La file était vraiment interminable sur le parking. C’était impressionnant ! Comme m’a confié Loïc, il n’aurait jamais pensé vivre un tel événement de sa vie. Ça l’a impressionné, comme beaucoup d’entre nous, d’ailleurs ! C’est vrai que ça fait peur. L’inconnu effraie toujours.
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Vous avez envie de lire la suite ? Envie de vous remémorer la période de confinement ? De découvrir le monde des névrosés, des alexithymiques et TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) ? Je vous invite à parcourir quelques commentaires laissés par des lecteurs et à découvrir ce témoignage inédit.